Yville-sur-seine, mémoires d'un jardin en Seine
Yville est un pré carré ou domaine réservé avec de belles prairies parsemées de vergers, un interminable jardin ouvert sur la Seine. Son histoire est indissociable de ceux qui firent édifier, au XVIIIe siècle, l'une des plus belles demeures de Normandie. Yville est lié aux singularités du territoire : prairies marécageuses mangées par la Seine, terrasses alluviales oubliées par de riches terres agricoles du Roumois, ceinture forestière confinant à l'isolement, l'éloignement des bourgs marchands ou des centres urbains et incertaine frontière de deux départements.
Yville conserve une enceinte fortifiée dans laquelle on a découvert des débris de poterie, de tuiles et même des murs ont été dégagés. Un site gallo-romain a été découvert sur une surface de 5000 m2 lors de récentes fouille à Yville-sur-Seine, au lieu dit le Sablon.
Puis les Vikings remontant la Seine à bord de leurs drakkars aux IXe et Xe siècles, l'un deux, un certain Wido ou Wito, débarqua peut-être sur la rive gauche du fleuve et s'y installa. C'est ce que suggère le nom d'Yville, littéralement, le domaine, du latin villa, de Woto, nom scandinave. Sa première orthographe conservée en 1025, Wit villiam se contracte en Wiville au XXIIe, puis en Yvilla ou Yville en 1277. La désignation du nom géographique, sur Seine est plus récente. Il est attesté pour la première fois au XVe siècle sous la forme latine supra Secanam, devenue sur Seyne dès le XVIe siècle. Les descendants de ce Wito, tel Hugues d'Yville, dont le nom figure sur la liste des chevaliers qui accompagnèrent Guillaume le Conquérant en Angleterre au XIe siècle, ou Thomas et Robert d'Yville aux XIIe et aux XIIIe siècles portèrent naturellement le nom de leur terre et adoptèrent un blason représentant un épi de blé fleurdelisé. Il figure sur les sceaux conservés depuis 1207. Ce titre leur vaut d'ailleurs d'être considérés comme les premiers seigneurs de la paroisse.
L'église
Au XIIIe siècle, une église est édifiée sous la protection de Saint Léger. L'église Saint Léger fut consacrée le 24 avril 1265 par l'Archevêque de Rouen, Eudes Rigaud. La porte côté sud est surmontée d'un linteau en pierre représentant un pélican se perçant la poitrine du bec pour faire couler quelques gouttes de sang afin d'en nourrir ses petits. Jusqu'au début des années 70, les yvillais qui cherchaient à avoir des enfants, clouaient un ruban sur une pierre adjacente en espérant que leur vœu de fécondité soit exaucé.
L'un des vitraux de l'église fut offert par Don Carlos (1848- 1909), infant d'Espagne et frère du roi Ferdinand VII, à l'occasion du séjour qu'il effectua au château, où il fut reçu par la famille de Malartic. Cela explique que les armes de la couronne d'Espagne figurent sur le vitrail
La confrérie Saint Léger
C'est une confrérie de charité, une institution médiévale fondée en 1440 qui se charge d'assister matériellement et spirituellement les habitants, leur offrant les derniers hommages funèbres. Elle demeure toujours comme l'une des trois confréries de charité actives du département avec celles de Saint-Léonard et Vatteville-sur-laRue.
Le calvaire
Un magnifique calvaire de pierre et orné de l'agneau Pascal a été édifié au XIIIe siècle
Le château d'Yville
L'histoire d'Yville est indissociable de ceux qui firent édifier, au XVIIIe siècle, sur les plans attribués par l'architecte le plus renommé du royaume, Jules Hardouin-Mansart, , l'une des plus belles demeures de Normandie. Plusieurs propriétaires se succèdent en commençant par François le Menu de la Noé en 1708, puis en 1717 Roger D'Estampes, seigneur de Mauny. A sa mort, le nouvel acquéreur fut John Low, inspecteur de la Banque royale . Puis en 1723, le château fut acheté par Jean-Prosper Goujon de Gasville. Son assise financière et ses fonctions lui permirent de mener le projet lancé en 1708 et de transformer Yville en un magnifique domaine. L'architecte jean-Jacques Martinet fut chargé de mener à son terme la construction du château. Ainsi, ce sont succédées les familles Goujon de Gasville et de Maurès de Malartic. Il fut de nouveau vendu en 1982 à Nicholas Walker, actuel propriétaire.
(D'après l'ouvrage de Pierre Molkhou : Yville en Seine : mémoires d'un jardin en Seine)
La légende du Joleux
Les joleux d'Yville
Ce mot dérivé de l'ancien français jolleux, désignant un bouffon ou un fou, est le surnom qui aurait été attribué aux yvillais au XVe siècle, selon l'historien Alfred Canel.
Elle stipule que les habitants, massés sur la berge du fleuve, se moquaient des promenades galantes qu'Agnès Sorel, maîtresse du roi de France Charles VII, faisait sur l'autre rive du fleuve en compagnie de son entreprenant confesseur, le moine Don Bernard.
La légende est hélas sujette à caution. Si effectivement, Agnès Sorel se rendit effectivement au Mesnil-sous-Jumièges en janvier 1450, c'était pour rejoindre son royal amant à Honfleur. Elle était enceinte et accoucha dans le manoir qui porte son nom depuis. Elle mourut quelques semaines plus tard des suites de ses couches. Il est donc peu probable qu'elle se soit promenée sur les berges de la Seine au mois de janvier.
Une autre tradition veut que la raillerie des yvillais remontent au XVIIIe siècle et qu'ils se soient moquées d'une certaine dame Le Guerchois aimant se promener en galante compagnie. Quelle que soit la légende, elle souligne le caractère joyeux des habitants et que la Seine était plus un espace de vie qu'une frontière.